Fomblard n’ a pas de billes. Mais il a des yeux. Pour jouer aux billes il roule ses yeux dans le sable. Ça ne l’empêche pas de pleurer de jouer aux billes. Plus il pleure plus il démultiplie les billes. Alors il regrette ses yeux un peu. Il aurait pu pleurer plutôt que de perdre ses yeux. Sans les yeux il est obligé de jouer aux billes tout seul. Les autres enfants ne jouent pas aux billes avec les aveugles, c’est comme ça, injuste, comme souvent les couleurs trop vives.
A la récréation sa mère est morte, hier c’était la pleine lune, il pleut qu’il neige, puis le ciel redevient bleu de lumière.
Fomblard aime bien être tout le temps seul, comme ça il est son seul ami, ni plus ni moins.
Quand il rentre où il dort sa mère est devenue un papillon de nuit. Son cœur bat contre l’ampoule allumée, mais ça Fomblard est là pour ne plus le voir.
Comme il ramasse au matin un bouquet d’araignées fleurissantes dans des branches de toile il est trop heureux pour se rendre compte de la mort, du chewing gum dans ses cheveux, de la présence d’un ange dans les fleurs. Car c’est là que les anges se cachent en attendant que fanent leurs ailes parfumées. Il se souvient de maman perdue dans la mort sur le lit. Il voudrait bien le rêve-aïé…quand le rêve dit aîé on se réveille.
Comme souvent Fomblard sait pas ce qu’il fait d’avance…il est même trop fort pour ça. Alors il plonge ses mains de petits crabes épileptiques au fond de ses poches pour en sortir ses billes. Il les colle dans les orbites vides, soulève ses paupières, Maman dit « bien dormi Fomblard ? »
« Moi oui, mais les rêves sont pas bien dans leur tête ».