menu Menu
La folie des philosophes
By Alexandre Billon Posted in Philosophie on 12 mars 2024
« Le seul organe de contact avec la réalité est l’amour » Previous Le poème guillemets(Saigyô et Robert Lax vs l’IA et le singe dactylo)  Next
  • Thalès de Millet était tellement à l’ouest qu’il tomba dans un puits en regardant le ciel. Et mourut.
  • Selon d’autres sources, le fondateur du scepticisme, Pyrrhon, devait être en permanence secouru au fond des précipices ou protégé des chiens enragés ; il laissait mourir des proches sans les secourir parce qu’il refusait de croire aux dangers.

  • Prenant la défense des sceptiques, Montaigne traitait au contraire de fous les philosophes qui prétendent pouvoir connaître quelque chose : «l’humaine science, dit-il dans les Essais (II,§12), ne se peut maintenir que par raison déraisonnable, folle et forcenée»  
  • Hume considérait parfois ses spéculations philosophiques comme un « délire mélancolique » dont seule la vie ordinaire (une bonne partie de backgammon, un dîner, papoter entre amis) pouvait le guérir (Traité de la Nature Humaine, 1.4.7-9) .
  • Thomas Reid et les philosophes du sens commun considéraient que les autres doctrines philosophiques comme des sornettes dignes d’irrationnel Yahoos. (“Such philosophy is justly ridiculous, even to those who cannot detect the fallacy of it. It can have no other tendency, than to shew the acuteness of the sophist, at the expense of disgracing reason and human nature, and making mankind Yahoos” (Reid 1764: 10)).
  • Voltaire dépeint Leibniz comme un imbécile heureux et après s’être moqué des positions de Rousseau, lui conseille « venir rétablir [sa santé] dans l’air natal, jouir de la liberté, boire avec moi du lait de nos vaches, et brouter nos herbes » (Lettre à Rousseau du 30 août 1755).
  • Nietzsche, qui aimait jouer au docteur, voyait une forme de maladie mentale dans la tendance des philosophes à chercher une réalité derrière les apparences  (Le Gai savoir).
  • Dans Le Monde comme volonté et comme représentation (II §19), Schopenhauer caractérise le philosophe solipsiste comme un fou à placer dans une maison d’aliénés et à réfuter à coups de douches froides (et même si peu de philosophes se réclament explicitement du solipsisme, beaucoup, y compris Schopenhauer, semblent plus ou moins commis à une telle thèse).
  • Dans un des gags les plus célèbres de la philosophie, Wittgenstein se moque de ses collègues en ces termes :

 — Je suis assis avec un philosophe dans le jardin ; il dit à maintes reprises : « je sais que ceci est un arbre » tout en désignant un arbre près de nous. Une tierce personne arrive et entend cela, et je lui dis : « Cet homme n’est pas fou. Nous faisons de la philosophie ».(De la Certitude, §467)

“I am sitting with a philosopher in the garden; he says again and again ‘I know that that’s a tree’, pointing to a tree that is near us. Someone else arrives and hears this, and I tell him: ‘This fellow isn’t insane. We are only doing philosophy.”

  • L’historien de la philosophie spécialiste de Descartes et enseignant d’un bon nombre de figures de la French Theory, Ferdinand Alquié (1979/2023), avançait carrément, dans un article sur Derrida, Foucault, la folie et l’argument cartésien du rêve, que « personne ne deviendrait philosophe s’il n’était d’abord un peu fou ».
  • Le philosophe irlandais John Oulton Wisdom (cousin du « réaliste de Cambridge homonyme ») expliquait l’« origine inconsciente » de l’idéalisme de Berckeley par le dégoût prononcé de l’évêque anglican pour ses propres excrétions…
  • Tout récemment, certaines expériences ont suggéré que dans plusieurs dilemmes moraux, les philosophes utilitaristes, qui considèrent qu’une action bonne maximise le bien-être collectif et légitiment le sacrifice que quelques-uns pour la communauté, agissaient comme les patients psychopathes.

On pourrait sans aucun doute multiplier les exemples (si vous en avez sous la main, je serais content de compléter cette liste). Avant cela, une question : pourquoi les philosophes se traitent-ils si fréquemment de fous ?

Ils invoquent, on l’a vu, des raisons très variées de considérer leurs collègues comme dérangés, et ces raisons sont parfois antagonistes (le scepticisme, le dogmatisme, etc.). Cela pourrait suggérer que leurs accusations ne sont qu’un moyen stigmatisant, mais malheureusement banal, de marquer son désaccord avec un adversaire. A la manière des les politiciens ou les conducteurs automobiles, les philosophes diraient « fou » pour dire « toi, beurk », « toi vraiment , très très tort ».

Il y a sans doute, cependant, une raison plus profonde. Après tout, bien des doctrines philosophiques peuvent réellement sembler folles. Songez aux monades de Leibniz sans portes ni fenêtres, aux éléates qui nient la possibilité du mouvement, à l’idéalisme selon lequel cette table est composée d’idées ou aux récents illusionnistes qui prétendent que la conscience n’existe pas. Imaginez-vous arrêter quelqu’un dans la rue et lui asséner avec conviction l’une de ces thèses… Je voudrais ici chercher à expliquer cette folie ou cette apparence de folie et déterminer si on peut (et si on doit) lui trouver un remède.

Dans une série d’articles qui culmine avec la récente publication de son livre The Weirdeness of the World, Eric Schwitzgebel a proposé ce qui ressemble à une défense et une explication de l’insanité philosophique. Sa thèse principale, qu’il a nommée un temps « crazyism » est qu’en ce qui concerne les problèmes fondamentaux de la philosophie, et en particulier la métaphysique, nous sommes tous commis à des doctrines folles (crazy) ou (il préfère désormais ce terme) tordues (weird), c’est-à-dire à la fois bizarres (contraires au sens commun) et douteuses (mal justifiées). Pour étayer son propos, il multiplie les exemples de philosophies classiques tordues (le choix est embarrassant) et en montre, plus profondément, que dans un grand nombre de domaines, on peut prouver qu’une disjonction de propositions tordues est forcément vraie. Si on veut s’engager dans l’un de ces domaines, il faudra forcément adhérer à une proposition tordue.

En ce qui concerne le problème corps-esprit, nous devons par exemple choisir entre le matérialisme selon lequel tout est matériel classique (qui implique selon lui que les USA constituent une entité consciente) l’idéalisme selon lequel tout est mental et la matière n’existe pas (qui est évidemment bizarre), le dualisme (qui implique selon lui des bizarreries concernant les interactions corps-esprit et l’extension des entités conscientes) ou d’autres conceptions plus tordues encore selon lesquelles nous ne somme pas réellement conscients (l’éliminativisme) ou même les électrons sont conscients (le panpsychisme). Aucune de ces thèses n’est individuellement bien justifiée, mais nous devons en choisir une.

Pourquoi les philosophes seraient-ils condamnés à défendre des thèses tordues ? Fondamentalement, selon Schwitzgebel, parce que le sens commun, entendu comme l’ensemble de nos croyances communes, est contradictoire.

Le sens commun est incohérent en matière de métaphysique. Des contradictions découlent donc inévitablement des réflexions métaphysiques du sens commun, et aucun système métaphysique cohérent ne peut adhérer à tous ses aspects. Bien que le sens commun nous serve bien dans nos manœuvres pratiques à travers le monde social et physique, le sens commun s’est avéré être un guide peu fiable en physique théorique, théorie des probabilités, neurosciences, macroéconomie, biologie évolutive, astronomie, médecine, topologie, génie chimique… Si, comme il le semble, la métaphysique ressemble plus à ces entreprises qu’à l’obtention de jugements pratiques sur la cueillette des baies et la planification des fêtes, nous pourrions raisonnablement douter de la fiabilité du sens commun comme guide pour la métaphysique. L’absence de fiabilité n’implique pas l’incohérence, bien sûr. Mais cela semble être ’étape suivante naturelle, et cela expliquerait bien les faits historiques en question.

Common sense is incoherent in matters of metaphysics.  Contradictions thus inevitably flow from commonsense metaphysical reflections, and no coherent metaphysical system can adhere to every aspect.  Although common sense serves us well in practical maneuvers through the social and physical world, common sense has proven an unreliable guide in theoretical physics, probability theory, neuroscience, macroeconomics, evolutionary biology, astronomy, medicine, topology, chemical engineering….   If, as it seems to, metaphysics more closely resembles those endeavors than it resembles reaching practical judgments about picking berries and planning parties, we might reasonably doubt the dependability of common sense as a guide to metaphysics. Undependability doesn’t imply incoherence, of course.  But it seems a natural next step, and it would neatly explain the historical facts at hand.

Eric Schwitzgebel, The Weirdness of the World

Tel que je la comprends, l’idée de Schwitzgebel est que pour développer une métaphysique qui ne soit pas bizarre, il faudrait s’appuyer sur le sens commun, mais que le sens commun contient certaines thèses implicitement contradictoires, de sorte qu’en s’appuyant sur lui, on est forcément commis à une thèse qui contredit directement le sens commun. Celle-ci sera par définition bizarre, et dans la mesure où elle est directement contredite par le sens commun[1], vraisemblablement douteuse. Une explication du même genre a été articulée de manière plus précise dans plusieurs publications par Bryan Frances, qui conçoit l’ensemble de la philosophie comme un champ de paradoxes réfutant définitivement le sens commun (cf. par ex. Frances 2022).

L’hypothèse de Schwitzgebel fournit une interprétation assez plausible des accusations de folie que se lancent les philosophes. Selon cette « interprétation crazyist » (appelons-là ainsi), (1) une thèse contraire aux croyances de sens commun semblerait folle (2) et le sens commun étant contradictoire, les philosophes devraient forcément endosser des doctrines contraires au sens commun.

L’analyse de Schwitzgebel soulève cependant plusieurs questions délicates.

  • Pourquoi le sens commun, entendu, encore une fois, comme l’ensemble de nos croyances communes, est-il contradictoire ?
  • Étant donné que nos croyances communes peuvent changer et que les philosophes sont supposés souligner les problèmes posés par ces croyances communes depuis plus de 2500 ans, pourquoi n’avons-nous pas réussi à réformer le sens commun pour en chasser les contradictions ? Par exemple, pourquoi n’avons-nous pas, comme le suggèrent depuis longtemps certains, fait table rase et remplacé le sens commun par la conception scientifique du monde ?

Il existe une réponse à ces questions qui suggère, il me semble, une interprétation alternative des accusations de folie lancées à la philosophie, et un diagnostic très différent, qui ne met pas en cause le sens commun, mais la philosophie elle-même.

Commençons par quelques remarques critiques sur les affirmations de Schwitzgebel. Même si nos croyances communes impliquent des contradictions, il me semble malheureux de dire que le sens commun est contradictoire en matière de métaphysique. Pas parce que le sens commun ne se prononcerait pas sur des questions métaphysiques (je pense qu’il peut en effet se prononcer à ce sujet), mais parce que le sens commun ne consiste pas seulement en un ensemble de croyances communes. Il inclut aussi une manière de penser avec ces propositions, laquelle peut désamorcer facilement les contradictions. Pour montrer que les croyances de sens commun selon lesquelles A, B, C et D sont contradictoires, le philosophe doit à la fois considérer ensemble toutes ces propositions et réaliser une série d’inférences avec celles-ci. Il nous dira par exemple que A et B impliquent E, que E et C impliquent F, et que F implique non D, ce qui trahit une contradiction cachée dans le sens commun. Or cette procédure, qui requiert de prendre du recul pour considérer d’un seul regard un grand nombre de propositions et d’en tirer des raisonnements compliqués semble très éloignée du sens commun.

Les anthropologues ont très tôt remarqué qu’on pouvait inférer des contradictions des croyances partagées par les peuples qu’ils étudiaient, mais que ces contradictions, qui ne se présentaient pas dans des contextes ordinaires, ne les intéressaient pas :

Les Azandé ne perçoivent pas la contradiction comme nous la percevons parce qu’ils n’ont pas d’intérêt théorique pour le sujet, et les situations dans lesquelles ils expriment leurs croyances en la sorcellerie ne leur imposent pas le problème.

Evans-Pritchard 1937

Azande do not perceive the contradiction as we perceive it because they have no theoretical interest in the subject, and those situations in which they express their beliefs in witchcraft do not force the problem upon them.

Evans Pritchard 1937

Cela mériterait d’être étudié empiriquement, mais d’après mes terrains dans les troquets de Paris et de sa grande banlieue (où révéler qu’on est philosophe vous vaut les sympathies loquaces de bien des compagnons de comptoir), il semble que chez nous aussi, le sens commun se désintéresse des contradictions que pourraient receler ses croyances. Pourquoi ? Sans doute parce qu’elles ne peuvent pas apparaître dans des contextes ordinaires et que les contextes de recul réflexif où on les produit semblent très différents aux gens. On peut illustrer cela avec ce qui est sans doute le deuxième gag le plus drôle de l’histoire de la philosophie, dû à Wittgenstein là encore, qui nous présente une situation où un observateur extérieur tente non pas de tirer une contradiction des croyances d’une tribu, mais l’équivalent économique d’une contradiction, à savoir une possibilité d’arbitrage.

Des gens empilent des bûches et les vendent. Ils mesurent les piles avec une règle, multiplient les mesures de longueur, de largeur et de hauteur, et le résultat obtenu correspond au nombre de livres qu’il faut demander et payer. Ils ne savent pas “pourquoi” cela se passe ainsi, ils le font simplement : c’est la façon de faire.

Très bien, mais que se passerait-il s’ils empilaient le bois en tas de hauteur arbitraire et variable, puis le vendaient à un prix proportionnel à la surface couverte par les tas ? Et s’ils justifiaient même cela en disant : “Bien sûr, si vous achetez plus de bois, vous devez payer plus cher” ? Comment pourrais-je leur montrer que, disons-le ainsi, vous n’achetez pas vraiment plus de bois si vous achetez un tas qui couvre une plus grande surface ? Je devrais, par exemple, prendre un tas qui serait petit selon leurs critères et, en disposant les bûches autrement, le transformer en un “gros” tas. Cela pourrait les convaincre, mais ils diraient peut-être : “Oui, maintenant c’est beaucoup de bois et ça coûte plus cher”, et ce serait la fin de la discussion.(Wittgenstein 1983, 144-50)

People pile up logs and sell them, the piles are measured with a ruler, the measurements of length, breadth, and height multiplied together, and what comes out is the number of pence which have to be asked and given. They do not know “why” it happens like this; they simply do it like this: that is how it is done. … Very well; but what if they piled the timber in heaps of arbitrary, varying height and then sold it at a price proportionate to the area covered by the piles? And what if they even justified this with the words: “Of course, if you buy more timber, you must pay more”? … How could I show them that—as I should say—you don’t really buy more wood if you buy a pile covering a bigger area?—I should, for instance, take a pile which was small by their ideas and, by laying the logs around, change it into a “big” one. This might convince them—but perhaps they would say: “Yes, now it’s a lot of wood and costs more”—and that would be the end of the matter. (Wittgenstein 1983, 144-50)

Une manière de présenter cette manière de penser du sens commun qui désamorce les contradictions serait de dire que les différentes propositions qui constituent le contenu des croyances de sens commun sont considérées par celui-ci comme étant vraies relativement à certains contextes ou points de vue locaux différents, et qu’il faut faire abstraction de cela pour en tirer une contradiction. Ainsi on ne pourrait pas tirer une contradiction de A, B, C, D soit parce que A, B, C d’un côté et D de l’autre ne sont pas vraies relativement au même contexte, soit de manière plus subtile parce que A, B, C, D sont vraies relativement au même contexte mais pas les conséquences E et F qu’on tire de , A, B, C, et qui contredisent D. Le simple fait d’enchainer des lignes d’inférences changerait le contexte.

L’hypothèse d’un relativisme du sens commun explique de manière élégante pourquoi en dépit des incohérences qu’ils ont pu tenter de lui mettre sous le nez, les philosophes n’ont pas réussi à faire évoluer le sens commun vers un ensemble cohérent, ce qui répond à notre deuxième question. Elle semble du reste empiriquement confirmé au moins dans le domaine éthique (Sarkissian et al. 2011).

Considérons maintenant la première question. Pourquoi les croyances de sens commun sont-elles incohérentes ? Ou plutôt pourquoi apparaissent-elles ainsi lorsqu’elles sont considérées de manière acontextuelle ? La réponse est dans la question : parce que ces croyances trouvent leurs origines dans des contextes ou points de vue différents ? Peut-être aussi, d’ailleurs, parce que certaines trouvent leur origine dans une perspective qui cherche à transcender les contextes particuliers pour être absolument objective et que celles-ci sont aussi incompatibles avec certaines croyances locales ou subjectives. Une telle réponse a été suggérée, dans les années 1980, par le Britannique Bernard Williams et l’américain Thomas Nagel. Tous deux ont attribué un grand nombre de problèmes philosophiques pérennes à des conflits de perspectives. Le premier, s’il n’a pas été jusqu’à taxer la philosophie et la psychologie morale dominante à son époque de folle, l’a de nombreuses fois qualifiée d’absurde. Il a reconduit cette absurdité à la volonté philosophique d’adopter, en éthique, un point de vue désengagé, synoptique et objectif et a défendu une forme de « non-objectivisme » (qui est un cache-sexe du relativisme).

Dés sa naissance, la philosophie s’est définie par sa volonté de se tenir en esprit, selon l’expression de Platon, « éloignée des choses, (…) , voler avec dédain dans toutes les directions, mesurant en géomètre “les profondeurs de la Terre”, comme dit Pindare, et ses surfaces, observant en astronome “au-delà du ciel”, et explorant en tout sens l’ensemble des natures des êtres chacun dans sa totalité, ne s’abaissant vers rien de ce qui est proche de lui » (Le Théétète, 173e-174a, cf. Benatouïl 2020). Comme la science après elle, et peut-être, précisément pour échapper aux contradictions générées par les points de vue locaux (cf. la discussion du morceau de bois dans Le Phédon, 74c-d), la philosophie a cherché à adopter le point de vue de nulle part. Mon hypothèse est que c’est cela, paradoxalement, qui l’a amenée à défendre des positions folles. Les philosophes semblent fous, car ils abordent notre monde comme un Martien ou un Sélénien l’aborderait : de beaucoup trop loin.

Cette hypothèse sélénienne – appelons-là ainsi — n’est pas toute neuve. Pour soigner la princesse Elizabeth de la mélancolie et lui faire comprendre l’interaction du corps avec l’esprit, Descartes affirmait qu’il fallait éviter les spéculations philosophiques et « ne s’occuper qu’à imiter ceux qui, en regardant la verdeur d’un bois, les couleurs d’une fleur, le vol d’un oiseau, et telles choses qui ne requièrent aucune attention, se persuadent qu’ils ne pensent à rien. Ce qui n’est pas perdre le temps, mais le bien employer ». Hume, on l’a vu, attribuait aussi sa mélancolie aux spéculations philosophiques et, selon certains interprètes (je pense à Livingston 1998), à une « attitude héroïque en philosophie » caractérisée, justement, par la visée du point de vue maximalement objectif et détaché. Je comprends les remarques de Wittgenstein sur la folie des philosophes (dans De la Certitude) comme allant dans le même sens. Si elle n’a pas parlé de folie (mais plutôt d’adolescence attardée) la philosophe britannique Marie Midgley a porté, dans un article ironiquement rejeté par la BBC parce qu’il mêlait le trivial à l’éthérée philosophie, le même genre de critique à l’encontre des géants de la tradition. Sous l’autorité du grand psychologue du début 20e Pierre Janet, j’ai modestement ajouté une petite pierre à la défense de cette hypothèse sélénienne en rapprochant le discours métaphysique sur la réalité d’une pathologie psychiatrique réelle, fréquemment associée à la mélancolie d’ailleurs (poke Descartes et Hume), la dépersonnalisation

Contre l’interprétation crazysit inspirée de Schwitzgebel, l’interprétation sélénienne voit dans l’insanité philosophique le signe d’un problème de la méthode philosophique et pas du sens commun. Quel remède suggère-t-elle ?

Dans The Weirdness of the World, Schwitzgebel se livre à un plaidoyer pour les thèses tordues en philosophie. Non seulement elles sont selon lui inévitables, mais elles stimulent l’imagination et permettent d’envisager des possibilités qui nous avaient échappé. Je suis d’accord avec ce second point, et je lis bien des travaux de philosophie tordue avec l’émerveillement et l’appétit que je réserve à la meilleure science-fiction (The Weirdness of the World, justement, The metaphysics of hyperspace de Hud Hudson (2006), Your Digital Afterlives, d’Eric Steinhart (2014)). Je suis en désaccord avec le premier point et je pense qu’une certaine philosophie devrait et peut éviter les thèses folles. Comment ? Il y a de nombreuses options. Le quiétisme de Wittgenstein en est une, la philosophie humienne (telle qu’interprétée par Livingston) une autre. Peut-être la philosophie taoïste du Tchouang Tseu ?

Il est tentant de penser que si l’on veut éviter l’approche sélénienne et les thèses folles en philosophie, il faudra quoi qu’il en soit éviter d’être systématique, et de faire vraiment de la métaphysique ou même de la philosophie. Russell reprochait à la seconde philosophie de Wittgenstein d’être fainéante (lazy) et on peut se demander si ce reproche ne concerne pas toute approche anti-sélénienne, disons, « terrienne ». Le sens commun ne serait pas un socle suffisamment solide pour fonder une métaphysique. Il ne permettrait pas de dire quoi que ce soit de systématique.

Je ne crois pas cependant que ce soit le cas. Il suffit peut-être, comme nous l’avons suggéré et comme je tente de le défendre dans un livre à paraître, d’endosser explicitement une forme de relativisme qui admet que certains faits n’obtiennent que relativement à certains contextes d’évaluation. Est-ce que cela ne nous condamne pas alors à une forme d’obscurantisme ou de relâchement intellectuel très French theory, qui permet d’affirmer à peu près n’importe quoi et d’ignorer des pans entiers de la connaissance scientifique ? Encore une fois, je ne pense pas que cela soit le cas. Il existe des relativistes radicaux très rigoureux (comme Goodman). Il existe du reste bien des relativistes modérés, qui restreignent leur relativisme à certains domaines du discours seulement, ne remettent pas en cause la vérité absolue de certains faits scientifiques, et sont parfaitement rigoureux (songez au fragmentalisme de Kit Fine et aux nombreux philosophes qu’il a inspirés tels G. Merlo et M. Lipman, songez aussi au relativisme quant à la vérité de certains énoncés de John McFarlane).[2]

Alquié, F. 1974/2023. “ Le philosophe et le fou.” In  Études Cartésiennes, 316–33. Paris: Vrin. Reprinted from J.-R.Armogathe and G. Belgioioso, eds., Descartes metafisico: Interpretazioni del Novecento, 107–16. Rome: Istituto dell’Enciclopedia Italiana.

Bénatouïl, T., 2020. La science des hommes libres. La digression du Théétète et ses contextes. Paris : Librairie philosophique J. Vrin.

Frances, B., 2022. The Epistemic Consequences of Paradox. Cambridge University Press.

Sarkissian, H., Park, J., Tien, D., Wright, J.C. and Knobe, J., 2011. Folk moral relativism. Mind & Language26(4), pp.482-505.

Schwitzgebel, E., 2014. The crazyist metaphysics of mind. Australasian Journal of Philosophy92(4), pp.665-682.

Schwitzgebel, E., 2024. The weirdness of the world. Princeton, Princeton University Press

*********English

Merci de lire Le Substack de Alexandre ! Abonnez-vous gratuitement pour recevoir de nouveaux posts et soutenir mon travail.

–        Thalès of Millet was so spaced out that he fell into a well while looking up at the sky. And died.

–        According to other sources, the founder of skepticism, Pyrrho, had to be constantly rescued from the bottom of precipices or protected from rabid dogs. He also let loved ones die without rescue because he refused to believe in danger.

–        In defense of the skeptics, Montaigne called philosophers who claim to know something crazy: “Human science, he says in Essais (II, §12), “can only be maintained by unreasonable, mad and forcible reason.”

–        Hume sometimes regarded his philosophical speculations as a “melancholic delirium” from which only ordinary life (a game of backgammon, a good dinner, chatting with friends) could cure him (Treatise on Human Nature, 1.4.7-9).

–        Thomas Reid and the common-sense philosophers regarded other philosophical doctrines as nonsense worthy of irrational Yahoos (“Such philosophy is justly ridiculous, even to those who cannot detect the fallacy of it. It can have no other tendency, than to shew the acuteness of the sophist, at the expense of disgracing reason and human nature, and making mankind Yahoos” (Reid 1764: 10)).

–        Voltaire portrays Leibniz as a happy fool, and after mocking Rousseau’s positions, advises him to “come and restore [his health] in the native air, enjoy freedom, drink with me the milk of our cows, and graze on our grasses” (Letter to Rousseau, August 30, 1755).

–        Nietzsche, who liked to play doctor, saw a form of mental illness in philosophers’ tendency to look for reality behind appearances (Gay Science).

–        In The World as Will and Representation (II §19), Schopenhauer characterizes the solipsistic philosopher as a madman to be placed in a madhouse and refuted with cold showers (although few philosophers explicitly claim to be solipsists, many seem more or less committed to such a thesis).

–        In one of philosophy’s most famous gags, Wittgenstein mocks his colleagues with these words:

I am sitting with a philosopher in the garden; he says again and again ‘I know that that’s a tree’, pointing to a tree that is near us. Someone else arrives and hears this, and I tell him: ‘This fellow isn’t insane. We are only doing philosophy (On certainty, §467).

–        In an article on Derrida, Foucault, madness and the Cartesian dream argument, the historian of philosophy Ferdinand Alquié (1979/2023), a specialist in Descartes and teacher of a great number of French Theory figures, puts it even more bluntly: “No one would become a philosopher if he wasn’t first a bit mad”.

–        The Irish philosopher John Oulton Wisdom (cousin of the homonymous “Cambridge realist”) explained the “unconscious origin” of Berckeley’s idealism by the Anglican bishop’s pronounced disgust for his own excretions…

–        More recently, some experiments have suggested that in many moral dilemmas, utilitarian philosophers, who believe that a good action maximizes collective well-being and legitimizes the sacrifice of a few for the community, act like psychopathic patients.

We could undoubtedly multiply the examples (if you have any to hand, I’d be happy to add to the list). But first, a question: why do philosophers so frequently call each other crazy?

As we’ve seen, they invoke a wide variety of reasons for considering their colleagues to be deranged, and these reasons are sometimes antagonistic (skepticism, dogmatism, etc.). This might suggest that their accusations are merely a stigmatizing, but unfortunately banal, way of marking one’s disagreement. Like politicians or car drivers, philosophers would say “crazy” to say “you, yuck”, “you really, really wrong”.

There is, however, a deeper reason. After all, many philosophical doctrines can actually seem crazy. Think of Leibniz’s monads without doors or windows, the Eleatics who deny the possibility of motion, idealism according to which this table is made up of ideas, or even the recent illusionists who claim that consciousness doesn’t exist. Imagine stopping someone in the street and convincingly asserting one of these theses…

Here, I’d like to try and explain this madness or appearance of madness –call that philosophical insanity— and determine whether we can (and should) find a remedy for it.

1. The crazyist hypothesis.

In a series of articles culminating in the recent publication of his book The Weirdeness of the World, Eric Schwitzgebel has proposed what looks like a defense and explanation of philosophical insanity. His main thesis, which for a time he called “crazyism”, is that when it comes to the fundamental problems of philosophy, and metaphysics in particular, we are all committed to crazy or (he now prefers this term) weird doctrines, i.e. theses that are both bizarre (contrary to common sense) and dubious (poorly justified). To support his point, he multiplies examples of weird classical philosophies (the choice is embarrassing) and, more profoundly, shows that in a large number of fields, it can be proved that a disjunction of weird propositions is necessarily true. If you want to engage in one of these fields, you’ll have to adhere to a weird proposition.

When it comes to the mind-body problem, for example, we have to choose between classical materialism, according to which everything is material (which, he argues, implies that the USA is a conscious entity), idealism, according to which everything is mental and matter does not exist (which is obviously bizarre), dualism (which he says involves oddities concerning mind-body interactions and the extension of conscious entities) or even more weird conceptions to the effect that we are not really conscious (eliminativism) or that even electrons are conscious (panpsychism). None of these theses is individually well justified, but we have to choose one.

Why should philosophers be condemned to defend weird theses? Fundamentally, according to Schwitzgebel, because common sense, understood as the sum total of our shared beliefs, is contradictory.

Common sense is incoherent in matters of metaphysics.  Contradictions thus inevitably flow from commonsense metaphysical reflections, and no coherent metaphysical system can adhere to every aspect.  Although common sense serves us well in practical maneuvers through the social and physical world, common sense has proven an unreliable guide in theoretical physics, probability theory, neuroscience, macroeconomics, evolutionary biology, astronomy, medicine, topology, chemical engineering….   If, as it seems to, metaphysics more closely resembles those endeavors than it resembles reaching practical judgments about picking berries and planning parties, we might reasonably doubt the dependability of common sense as a guide to metaphysics. Undependability doesn’t imply incoherence, of course.  But it seems a natural next step, and it would neatly explain the historical facts at hand.

As I understand it, Schwitzgebel’s idea is that in order to develop a metaphysics that is not bizarre, one would have to rely on common sense, but that common sense contains certain theses that are implicitly contradictory, so that by relying on it, one is necessarily committed to a thesis that directly contradicts common sense. Such a thesis will, by definition, be bizarre, and insofar as it is directly contradicted by common sense[1], probably dubious as well. A similar explanation has been articulated more precisely in several publications by Bryan Frances, who sees the whole of philosophy as a field of paradoxes that definitively refute common sense (cf. e.g. Frances 2022).

Schwitzgebel’s hypothesis provides a fairly plausible interpretation of philosophers’ accusations of insanity. According to this “crazyist interpretation” (let’s call it that), (1) a thesis contrary to common-sense beliefs would seem crazy (2) and common sense being contradictory, philosophers who rely on common sense would necessarily have to endorse doctrines contrary to common sense. Even though Schwitzgebel does (as I understand him) not recommend it, this crazyist interpretation naturally suggests a remedy for philosophical insanity: entirely give up common sense

Schwitzgebel’s analysis raises a number of tricky questions.

–        Why is common sense – understood, once again, as our shared set of beliefs – contradictory?

–        Given that our common beliefs are subject to change, and that philosophers have supposedly been pointing out the problems posed by these common beliefs for over 2,500 years, why haven’t we succeeded in reforming common sense to expunge its contradictions? For example, why haven’t we, as some have long suggested, wiped the slate clean and replaced common sense with the scientific conception of the world?

There is an answer to these questions that suggests, it seems to me, an alternative interpretation of the accusations of madness hurled at philosophy, and a very different diagnosis, one that calls into question not common sense, but philosophy itself.

2. The Selenian hypothesis

Let’s start with a few critical remarks on Schwitzgebel’s assertions. Even if our common beliefs imply contradictions, it seems to me unfortunate to say that common sense is contradictory when it comes to metaphysics. Not because common sense wouldn’t pronounce on metaphysical issues (I think it can indeed pronounce on them), but because common sense doesn’t just consist of a set of shared beliefs. Properly understood, it also includes a way of thinking with these propositions, which can easily defuse contradictions. To show that the common-sense beliefs that A, B, C and D are contradictory, the philosopher must both consider all these propositions together and make a series of inferences from them. He will tell us, for example, that A and B imply E, that E and C imply F, and that F implies non D, which betrays a contradiction hidden in common sense. But this procedure, which requires us to step back and consider a large number of propositions at a glance, and to draw out complicated reasoning, seems far removed from common sense.

Anthropologists noticed early on that contradictions could be inferred from the beliefs shared by the peoples they studied, but that these contradictions, which did not arise in ordinary contexts, were of no interest to them:

Azande do not perceive the contradiction as we perceive it because they have no theoretical interest in the subject, and those situations in which they express their beliefs in witchcraft do not force the problem upon them. (Evans-Pritchard 1937)

It would be worthwhile to study this empirically, but from what I’ve seen in the bars of Paris and its greater suburbs (where revealing that you’re a philosopher earns you the loquacious sympathies of many a fellow bar-goer), it seems that here too, common sense is uninterested in the contradictions that its beliefs might conceal. Why is this? Probably, like in the Azande case, because they can’t appear in ordinary contexts, and the contexts of reflexive hindsight in which they are produced seem very different to people. We can illustrate this with what is undoubtedly the second funniest gag in the history of philosophy, again by Wittgenstein, who presents us with a situation where an outside observer attempts not to derive a contradiction from a tribe’s beliefs, but the economic equivalent of a contradiction, i.e. an arbitrage opportunity.

People pile up logs and sell them, the piles are measured with a ruler, the measurements of length, breadth, and height multiplied together, and what comes out is the number of pence which have to be asked and given. They don’t know “why” it happens like this; they simply do it like this: that is how it is done. … Very well; but what if they piled the timber in heaps of arbitrary, varying height and then sold it at a price proportionate to the area covered by the piles? And what if they even justified this with the words: “Of course, if you buy more timber, you must pay more”? … How could I show them that-as I should say-you don’t really buy more wood if you buy a pile covering a bigger area?-I should, for instance, take a pile which was small by their ideas and, by laying the logs around, change it into a “big” one. This might convince them-but perhaps they would say: “Yes, now it’s a lot of wood and costs more”-and that would be the end of the matter. (Wittgenstein 1983, 144-50)

One way of presenting this contradiction-busting common sense way of thinking would be to say that the various propositions that make up the content of common sense beliefs are considered by common sense to be true relative to certain different local contexts or points of view, and that this must be disregarded in order to draw a contradiction from them. So we couldn’t draw a contradiction from A, B, C, D either because A, B, C on the one hand and D on the other are not true relative to the same context, or more subtly because A, B, C, D are true relative to the same context but not the consequences E and F that we draw from , A, B, C, and which contradict D. Simply chaining lines of inferences would change the context.

The hypothesis of a form of common sense relativism elegantly explains why, despite the inconsistencies they may have tried to put under its nose, philosophers have not succeeded in making common sense evolve into a coherent whole, which answers our second question. This hypothesis might be to some extent empirically confirmed, at least in the field of ethics (Sarkissian et al. 2011).

Let’s consider the first question. Why are common-sense beliefs inconsistent? Or rather, why do they appear so when considered “acontextually”? The answer lies in the question: because these beliefs have their origins in different contexts or points of view. Perhaps also, for that matter, because some have their origins in a perspective that seeks to transcend particular contexts to be absolutely objective, and these are also incompatible with certain local or subjective beliefs. Such an answer was suggested, in the 1980s, by the British Bernard Williams and the American Thomas Nagel. Both attributed a large number of perennial philosophical problems to conflicts of perspective. While the former did not go so far as to label the dominant moral philosophy and psychology of his day as insane, he repeatedly described it as absurd. He attributed this absurdity to the philosophical desire to adopt a disengaged, synoptic and objective point of view in ethics, and defended a form of “non-objectivism” (which is a disguise for relativism).

From its inception, philosophy has been defined by its desire to remain, in Plato’s words, “distant from things (…), flying disdainfully in all directions, measuring as a geometer ‘the depths of the Earth’, as Pindar says, and its surfaces, observing as an astronomer ‘beyond the heavens’, and exploring in every direction the whole of the natures of beings, each in its totality, stooping to nothing that is close to it” (The Theaetetus, 173e-174a, cf. Benatouïl 2020). Like science after it, and perhaps precisely to escape the contradictions generated by local points of view (cf. the discussion of the piece of wood in The Phaedo, 74c-d), philosophy has sought to adopt the point of view of nowhere. My hypothesis is that it is this, paradoxically, that has led it to defend crazy positions. Philosophers seem crazy because they approach our world as a Martian or a Selenian would approach it: from far too far away.

This Selenian hypothesis – let’s call it that – is nothing new. To cure Princess Elizabeth of melancholy and help her understand how the body interacts with the mind, Descartes argued that we should avoid philosophical speculation and “occupy ourselves only with imitating those who, by looking at the greenness of a wood, the colors of a flower, the flight of a bird, and such things as require no attention, persuade themselves that they are thinking of nothing, which is not to waste time, but to employ it well”. Hume, as we have seen, also attributed his melancholy to philosophical speculation and, according to some interpreters (Livingston 1998 comes to mind), to a “heroic attitude in philosophy” characterized, precisely, by the aim of the maximally objective and detached point of view. I understand Wittgenstein’s remarks on the folly of philosophers (in On certainty) as going in the same direction. If she did not speak of madness (but rather of retarded adolescence), the British philosopher Marie Midgley, in an article ironically rejected by the BBC for mixing the trivial with ethereal philosophy, made the same kind of criticism of the giants of the tradition. Under the authority of the great early-20th psychologist Pierre Janet, I modestly added a small stone to the defense of this Selenian hypothesis by bringing the metaphysical discourse on reality closer to a real psychiatric pathology, which is frequently associated with melancholy (poke Descartes and Hume), depersonalization.

Against the Schwitzgebel-inspired Crazysit interpretation, the Selenian interpretation sees philosophical insanity as a sign of a problem with philosophical method, not common sense. What remedy does it suggest?

In The Weirdness of the World, Schwitzgebel makes a plea for weird theses in philosophy. Not only are they inevitable, in his view, but they stimulate the imagination and allow us to envisage possibilities that had eluded us. I agree with this second point, and I indeed read many works of weird philosophy with the wonder and appetite I reserve for the best science fiction (last exemples, The Weirdness of the World, precisely, Hud Hudson’s The metaphysics of hyperspace (2006), Eric Steinhart’s Your Digital Afterlives (2014)). I disagree with the first point, however, and I think that a certain philosophy (maybe not the whole of it) should and can avoid crazy theses. But how? There are many options. Wittgenstein’s quietism is one, Humian philosophy (as interpreted by Livingston) another. Perhaps the Taoist philosophy of Chiang Tzu?

It’s tempting to think that, if we want to avoid the Selenian approach and crazy theses in philosophy, we’ll have to avoid being systematic, and really doing metaphysics. Russell criticized Wittgenstein’s second philosophy for being lazy, and one wonders whether this reproach does not apply to any anti-Selenian, let’s say, “earthy” approach. Common sense would not be a sufficiently solid foundation for metaphysics. It wouldn’t allow us to say anything substantial and systematic.

I don’t think this is the case. Perhaps it’s enough, as we’ve suggested and as I’m trying to defend in a forthcoming book, to explicitly endorse a form of relativism admitting that certain facts only obtain in relation to specific contexts of evaluation. Doesn’t this then condemn us to a form of obscurantism or intellectual laxity (French theory style), allowing us to assert just about anything and ignore whole swathes of scientific knowledge? Again, I don’t think so. There are very rigorous radical relativists (like Goodman). There are also many moderate relativists, who restrict their relativism to certain areas of discourse only, do not question the absolute truth of certain scientific facts, and are perfectly rigorous (think of Kit Fine’s fragmentalism and the many philosophers he inspired, such as G. Merlo and M. Lipman; think also of John McFarlane’s relativism regarding the truth of certain statements).[2]

Alquié, F. 1974/2023. “The philosopher and the madman.”In Études Cartésiennes, 316-33. Paris: Vrin. Reprinted from J.-R.Armogathe and G. Belgioioso, eds, Descartes metafisico: Interpretazioni del Novecento, 107-16. Rome: Istituto dell’Enciclopedia Italiana.

Bénatouïl, T., 2020. The science of free men. La digression du Théétète et ses contextes. Paris: Librairie philosophique J. Vrin.

Frances, B., 2022. The Epistemic Consequences of Paradox. Cambridge University Press.

Sarkissian, H., Park, J., Tien, D., Wright, J.C. and Knobe, J., 2011. Folk moral relativism. Mind & Language, 26(4), pp.482-505.

Schwitzgebel, E., 2014. The crazyist metaphysics of mind. Australasian Journal of Philosophy, 92(4), pp.665-682.

Schwitzgebel, E., 2024. The weirdness of the world. Princeton, Princeton University Press


[1] Note that Schwitzgebel’s idea is not just that philosophy should be bizarre (contrary to common sense) like whole swathes of our exact sciences, but that it should be weird (bizarre and dubious). Some scientist-philosophers propose to model metaphysics on our fundamental sciences, and to disregard common sense entirely. They claim that metaphysics can be bizarre without being dubious. It seems to me that Schwitzgebel doesn’t think this is possible, and that’s because he’s also committed to the claim that common sense is an important source of justification in metaphysics.

[2] Thanks to Ph. Vellozzo for his expert proofreading.


[1] Notons que l’idée de Schwitzbgebel n’est pas seulement que la philosophie doit être bizarre (contraire au sens commun) comme des pans entiers de nos sciences exactes, mais bien tordue (bizarre et douteuse). Certains philosophes scientistes proposent de calquer la métaphysique sur nos sciences fondamentales et de faire entièrement fi du sens commun. Il prétendraient qu’elle peut être bizarre sans être douteuse. Il me semble que Schwitzgebel pense que cela est impossible, c’est qu’il considère que le sens commun reste une source de justification importante en métaphysique.

[2] Merci à Ph. Vellozzo pour sa relecture éclairée.


Previous Next

keyboard_arrow_up